A B B O[1]

rector de Maurienne et de Susa, mentionné en 726 et 739

Dans une charte du 30 janvier 726[2], Abbo[3], fils de feu Felix[4], cum consensum pontefecum vel clerum nostrorum Mauriennate[5] & Segucine[6] civitate, in quibus nos Deus rectorem[7] esse instituit, déclare qu'il a édifié sur des biens propres situés dans le pagus de Susa un monastheriolum virorum in loco nunccopante Novelicis[8] dédié à Saint Pierre et Saint André sur le conseil de l'évêque Uualchunus[9] et qu'il a placé à sa tête Godo[10] comme abbé, ajoutant diverses clauses non énumérées ici[11]. L'un des signataires de l'acte est l'évêque Eusthacius[12] qui se dit quosinus d'Abbo.
Par son ample testamentum du 05 mai 739[13], Abbo filius Felici et Rusticę[14] nomine quondam[15] donne au monastère dirigé alors par (un autre) Abbo[16] de nombreux biens[17] s'étendant entre le Mâconnais jusqu'à la Méditerranée et du Rhône jusqu'à la vallée du Piémont italien[18]. Il précise qu'après sa mort l'évêque Uualchunus exercera la potestas sur le monastère[19]. Il ressort de ce texte qu'Abbo avait pour grand-père paternel Marro[20], pour avunculus/patruus défunt Semforianus[21], évêque de Gap, a malis hominibus eiectus fuit [22], pour avunculus/parens Dodo[23], pour amita Eptolena avec sa fille Honorata[24].
D'après ce testament, pro preceptione du roi Thierry IV et de Charles (-Martel), Abbo a acquis des biens in pago diense, uuapencense et gratianopolitano ainsi que des colonicae in pago ebredunense, in uelencio[25] ayant appartenu auparavant à Riculfus filius Rodulfus condam qui en a été privé pour trahison aux Sarrasins [26].
Le Signum Abbonis[27] figure parmi ceux d'autres témoins de l'acte établi à Herstal le 01 janvier 723[28] par lequel le maire du palais Charles (-Martel) donne au monastère construit dans le castrum d'Utrecht[29] et ayant à sa tête l'archevêque Vuillibrordus ce que lui ou le fisc possèdent à l'intérieur et à l'extérieur du castrum ainsi que la villam vel castrum Fethnam[30].


[1] Ce nom est probablement germanique, mais peut aussi être l’hypocoristique du vieux nom gaulois Abolenus-Abelonius. Ces formes abrégées ne sont pas toujours claires (Lauranson-Rosaz Christian, L'Auvergne et ses marges -Velay, Gévaudan- du VIIIe au XIe siècle. La fin du monde antique? [Les Cahiers de la Haute-Loire], Le Puy-en-Velay, 1987, p. 202).
[2] Original. Chartae latinae antiquiores, XLVII, 1997, n° 1463 p. 120-121; Cipolla Carlo, Monumenta Novaliciensia vetustiora, I (Fonti per la storia d'Italia. Istituto storico italiano 31), 1898, n° 1 p. 3-13.
[3] L'identité de ce personnage avec le patricius Abbo qui a dû gouverner la Provence vers 740/750, déjà admise au XIe siècle par l'auteur du Chronicon Novaliciense (Alessio Gian Carlo, Cronaca di Novalesa, Torino, 1982 [lat./it.]; Cipolla Carlo, Monumenta Novaliciensia vetustiora, 1 + 2 [Fonti per la storia d'Italia. Istituto storico italiano 31 + 32], 1898-1901; MGH SS 7 p. 73-133; cf. Ludwig Uwe, Die Gedenklisten des Klosters Novalese - Möglichkeiten einer Kritik des Chronicon Novaliciense [Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte 111, 1994, 32-55], p. 40), peut être envisagée (cf. Geary J. Patrick, Aristocraty in Provence. The Rhône basin at the dawn of the carolingian age (Monographiens zur Geschichte des Mittelalters 31), 1985, p. 34-35), même si Abbo n'est qualifié que de fondateur du monastère dans les diplômes de Carloman de 770 et de Charlemagne de 773 (MGH DK I n° 52 p. 72-74, n° 74 p. 106-108) ainsi que dans le privilège du pape Jean XIII du 21 avril 972 (Zimmermann Harald, Papstregesten II/5 911-1024, 1998, n° 495 p. 153), alors qu’il est dit patricius dans le privilège n° 490 (Zimmermann,  p. 151) et dans celui du pape Benoît VIII de février 1014 (Zimmermann, n° 1134 p. 339).
[4] L'acte de 739 cité infra indique en outre le nom de sa mère, Rustica.
[5] Maurienne (Saint-Jean de), Savoie, ch.-l. arr.
[6] Susa, Italie, Piémont, prov. Torino (voir carte Alessio, supra n. 3, p. LXV).
[7] Sur ce titre, cf. Heidrich Ingrid, Titulatur und Urkunden der arnulfingischen Hausmeier (Archiv für Diplomatik 11/12, 1965/66, 71-279), p. 98-99; Niermeyer J. F., Mediae latinitatis lexicon minus, Leiden, 1993, p. 892-893.
[8] Novalesa, Italie, Piémont, prov. Torino, près de Susa (cf. Ludwig, supra n. 3, p. 32; carte comme supra n. 6).
[9] La question de l'attribution d'un diocèse à cet évêque n'est pas éclaircie. Sont proposés ceux d'Embrun ou de Saint-Jean de Maurienne (cf. Ludwig, supra n. 3, p. 34 n. 11; Geary, supra n. 3, p. 72 n. 222; Cipolla, supra n. 2, p. 7-8 n. 1 avec la bibliographie antérieure; Duchesne L., Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, I: Provinces du sud-est, 2e éd., Paris, 1907, p. 241, le place à Saint-Jean de Maurienne suivant en cela Bartholomée Hauréau, Gallia Christiana, XVI, 1865, c. 617-618).
[10] Seule mention datée (cf. Cipolla Carlo, Monumenta Novaliciensia vetustiora, II [Fonti per la storia d'Italia. Istituto storico italiano 32], 1901, p. 435).
[11] Pour le reste de la charte, cf. le résumé dans l'introduction de ChLA XVI, supra n. 2, et de Semmler Josef, Episcopi potestas und karolingische Klosterpolitik (Vorträge und Forschungen 20 - Mönchtum, Episkopat und Adel zur Gründungszeit des Klosters Reichenau, Sigmaringen, 1974, 305-396), p. 339.
[12] De siège non connu.
[13] Geary, supra n. 3, p. 38-79 (lat./engl.); Cipolla, supra n. 2, p. 13-38. Original perdu, ainsi que sa confirmation par Charlemagne, textes connus par des copies du XIe-XIIe siècles et siècles suivants (cf. pour plus de détails Geary, p. 18 et Cipolla, p. 13-19; MGH DK I n° 310 p. 466-467). Geary, p. 27-33, démontre que le texte en notre possession est sincère, même si quelques interpolations mineures ont pu éventuellement y être glissées lors de la copie (cf. aussi Ludwig, supra n. 3, p. 33).
[14] Un Rusticius uel clarissimus souscrit l'acte immédiatement après Abbo (Geary, p. 78, cf. p. 102-103 n. 10). Un Rusticus figure après un Albo (? = Abbo, fondateur du monastère) dans une liste de noms du monastère de Novalaise inscrite dans le Liber confraternitatum du monastère de Reichenau vraisemblablement vers le milieu du IXe siècle (MGH Libri memoriales et Necrologia, NS I, 1979, pag. IX; Ludwig, supra n. 3, p. 46; Cipolla, supra n. 10, p. 280; MGH Libri confraternitatum Sancti Galli, Augiensis, Fabariensis, ed. Paul Piper, Berlin, 1894, c. 40 p. 166; ces deux noms semblent marquer le début d'une liste de personnages à mettre en rapport avec la fondation du monastère: cf. Ludwig, p. 43-45.
[15] Les connections familiales d'Abbo aussi bien par son père que par sa mère attestent des liens avec l'ancienne importante aristocratie gallo-romaine de la vallée du Rhône au sud de Lyon ainsi qu'avec des familles d'origine romane alliées du pouvoir central franc comme dans la région du Jura (résumés de Geary Patrick J., Die Provence zur Zeit Karl Martells [Beihefte der Francia 37. Karl Martell in seiner Zeit, hrsg. von Jörg Jarnut, Ulrich Nonn und Michael Richter, unter Mitarbeit von Matthias Becher und Waltraud Reinsch, 1994, 381-392], p. 384-385, ainsi que le même, supra n.  3, p. 105).
[16] Cet abbé n'est connu que par ce document ainsi que les listes abbatiales de la Chronique. Il aurait succédé à Godo (Alessio, supra n. 3 p. 220-221, 225; Cipolla, supra n. 10, p. 435).
[17] Dont l'énumération serait trop longue ici (voir Geary, supra n. 3, p. 40-77).
[18] Cf. cartes chez Geary, p. 82-83 avec le texte correspondant. En ce qui concerne les nombreux noms cités dans l'acte, cf. ibid. p. 101-119.
[19] Geary, p. 72-75 § 53, cf. p. 124-125; Ludwig, supra n. 3, p. 34; Semmler, supra n. 11, p. 339-340.
[20] Geary, § 50 p. 70.
[21] Son tuteur (Geary, § 49 p. 68). Un Semphorianus  uir clarissimus souscrit l'acte (p. 78).
[22] Peut-être lors de la rébellion du patrice Antener dans la deuxième décennie du VIIIe siècle (cf. Geary, supra n. 15, p. 385 et n. 21).
[23] Mentionné avec Goda qualifiés de parentes (Geary, supra n. 3, p. 54, 60, 62, 64).
[24] Geary, p. 64.
[25] Die, Gap et Grenoble, Embrun et Velencium (lieu inconnu d'après Geary, registre; MGH DD Mer. Dep. 392 p. 658 indique Valence).
[26] MGH DD regum Francorum e stirpe Merovingica, II, Hannover, 2001, Dep. 392 p. 658-659 qui date le probable diplôme d'environ 732; Geary, p.74-76 § 56. Mais Geary, p. 129-130, 141-145, voit en Riculfus, auquel il faut ajouter Rodbaldus, son frère (cité aussi à plusieurs reprises dans le testament), des membres de l'aristocratie franque opposés aux Arnulfiens/Pippinides et partisans du duc rebelle Maurontus qui n'avaient pas hésité à faire appel aux Musulmans, et place ces confiscations suite à la campagne de pacification de Charles Martel dans la vallée du Rhône en 736 et la révolte de 737. 
[27] L'identification de cet Abbo avec le futur fondateur de Novalesa est arbitraire, mais possible (cf. Geary, p. 33-35).
[28] Heidrich Ingrid, Die Urkunden der Arnulfinger, Bad Münstereifel, 2001, n° 12 p. 84-87.
[29] Pays-Bas, ch.-l. de province. Monastère à l'origine de l'église cathédrale.
[30] Vechten, Pays-Bas, comm. Bunnik, prov. Utrecht.

25 mai 2011