A B B O

patricius (de Provence) (vers 740/750)

Un fragment de rapport[1] de Vernarius[2] à Charlemagne concernant les villae de Bedata dans le pagus d'Aix, d'Orbesio dans celui de Riez et de Chaudol[3] dans le pagus de Digne[4] dont l'évêque Maurontus de Marseille a demandé la restitution à Herstal[5] rapporte qu'après la mort du patricius Abbo[6], Ardingus ille Allamannus[7] en a dépossédé l'église de Marseille et donné ces biens en bénéfice à son vassal Adisimbertus[8].     
Une notice de plaid du 23 février 780[9], Digne, relate le jugement que les missi de Charlemagne rendent en faveur de Maurontus, évêque de Marseille, au sujet de Chaudol[10] et d'Alpibus[11] dans le pagus d'Embrun[12]. Dans l'historique du domaine de Chaudol qui en est fait, il est dit il est dit[13] que Metrano[14], qui fut patricius en Provence, l'avait cédé à titre de bénéfice pour le compte de Marseille, puis qu'Abbo patricius[15], qui avait fait rédiger une pancarte[16] des biens de Saint-Victor (de Marseille) suite à la destruction par le patricius Antener[17] de ses chartes, avait aussi concédé ce domaine de Chaudol en bénéfice pour le compte de Sainte-Marie et Saint-Victor de Marseille. Les témoins affirment avoir vu Ansemundus, vicedominus[18] , per ordinationem Abbonis, patricii condam[19], pour le compte de Sainte-Marie et Saint-Victor de Marseille[20], faire la descriptio[21] de ce domaine qu'il a tenu ce dernier per consensum Abbonis patricii vel cessionem ad partes supradictę ęcclesię et qu'il en a perçu tout le cens. 


[1] Albanès J.-H. et Chevalier Ulysse, Gallia christiana novissima. Histoire des archevêchés, évêchés et abbayes de France, II, 1899, n° 41 c. 33-34. Ce fragment n'est connu que par une copie du XVIIIe siècle exécutée à partir d'un original ou d'une copie ancienne en très mauvais état. Cf. Ganshof François –L., Les avatars d'un domaine de l'Eglise de Marseille à la fin du VIIe et au VIIIe siècle (Studi in onore di Gino Luzzatto, I, Milano, 1949, 55-66), p. 55-56; Geary Patrick J., Die Provence zur Zeit Karl Martells (Beihefte der Francia 37. Karl Martell in seiner Zeit, hrsg. von Jörg Jarnut, Ulrich Nonn und Michael Richter, unter Mitarbeit von Matthias Becher und Waltraud Reinsch, 1994, 381-392), p. 381-382; Brunterc'h Jean-Pierre, Le Moyen Age, Ve-XIe siècle (Archives de la France 1), 1984, p. 177; Hübner Rudolf, Gerischtsurkunden der Fränkischen Zeit, I (Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Germanische Abtheilung 12, 1891, Anhang, 1-118), n° 113 p. 18; Krause Victor, Geschichte des Institutes der missi dominici (Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung 11, 1890, 193-300), n° 13a p. 282.
[2] Missus de Charlemagne (cf. infra n. 9 la notice du 23 février 780).
[3] Alpes-de-Haute-Provence, arr. Digne-les-Bains, cant. et comm. La Javie.
[4] Pour ces trois pagi, voir la carte chez Geary Patrick J., Aristocracy in Provence. The Rhône basin at the dawn of the Carolingian age (Monographien zur Geschichte des Mittelalters 31), Stuttgart, 1985, p. 83.
[5] A l'assemblée de mars 779? (cf. Geary, supra n. 1, p. 387).
[6] Cet événement est à placer probablement vers 751 (cf. Geary, supra n. 1, p. 389; du même, supra n. 4, p. 34 et n. 89; Ganshof, supra n. 1, p. 62 n. 1).
[7] D'après cette expression, Ardingus devait être un personnage connu, agissant ici vraisemblablement comme agent royal, peut-être comme comte (cf. Ganshof, supra n. 1, p. 62-63; Geary, supra n. 1, p. 389).
[8] Cf. Ganshof, supra n. 1, p. 62-64 qui reconstitue l'histoire du domaine de Chaudol, ici depuis la mort du patrice Abbo jusqu'à sa restitution à l'église de Marseille en 780.
[9] Grand cartulaire de Saint-Victor de Marseille de la fin du XIe siècle, publié par Guérard M., Cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille (publié par) (Collection des Cartulaires de France 8), Paris, 1857, n° 31 p. 43-46 (aussi petit Cartulaire du XIIIe siècle); copie du XVIIIe siècle, publiée par la Gallia Christiana novissima, supra n. 1, n° 42 c. 34-35; Brunterc'h, supra n. 1, p. 179-181 (+ traduction en français p. 182-184 + avant-propos et notes p. 176-179, 184-186); Geary, supra n. 1, p. 390-392; Nehlsen-von Stryk Karin, Die boni homines des frühen Mittelalters unter besonderer Berücksichtigung der fränkischen Quellen (Freiburger Rechtsgeschichtliche Abhandlungen, NF 2), 1981, p. 349-350. Transcription d'une ancienne charte déjà presque totalement effacée (cf. Brunterc'h, ibid., p. 176-179; Zerner Monique, L'élaboration du Grand cartulaire de Saint-Victor de Marseille (Mémoires et documents de l'Ecole des Chartes 39. Les Cartulaires. Actes de la Table ronde organisée par l'Ecole nationale des chartes et le G. D. R. 121 du C.N.R.S., Paris, 5-7 décembre 1991, 1993, 217-246), p. 217-218, 245-246; Hübner, supra n. 1, n° 112 p. 18; AA. SS. Oct., t. X,  p. 370-373; Duchesne L., Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, I, 1907, p. 276 et n. 4). Cette pièce n'est pas identique dans le fond avec la notice citée supra (cf. Geary, ibid., p. 387-389).
[10] Caladius: Alpes-de-Haute-Provence, arr. Digne, comm. et cant. La Javie.
[11] Le texte n'est pas clair: une fois il est question de ipsas villas, une autre fois de la villa Caladius dont l'évêque est réinvesti.
[12] Embrun, Hautes-Alpes, arr. Gap, ch.-l. cant. Il n'est pas possible de préciser à quoi se réfère ici le nom d'Alpibus (Alpes? Cf. Ganshof, supra n. 1, p. 57, qui parle d'alpages; Brunterc'h, supra n. 1, p. 177, 182, propose Aups, sans autre commentaire; il existe bien une commune de ce nom, située dans le Var, arr. Draguignan, ch.-l. cant.).
[13] Pour la période qui nous intéresse ici, mais l'historique du domaine qui en est fait dans cet acte remonte beaucoup plus haut dans le temps (cf. Ganshof, supra n. 1, p. 57 et suiv.).
[14] Personnage qui n'est pas connu autrement (cf. Buchner Rudolf, Die Provence in merowingischer Zeit. Verfassung – Wirtschaft – Kultur (Arbeiten zur deutschen Rechts- und Verfassungsgeschichte 9), 1933, p. 99; Ganshof, supra n. 1, p. 60 qui pense qu'il a peut-être pu s'agir d'un patrice indigène).
[15] L'identité de ce patricius avec Abbo, rector de la région de Maurienne et de Suse, déjà admise au XIe siècle par l'auteur du Chronicon Novaliciense (Alessio Gian Carlo, Cronaca di Novalesa, Torino, 1982 [lat./it.]; Cipolla Carlo, Monumenta Novaliciensia vetustiora, 1 + 2 [Fonti per la storia d'Italia. Istituto storico italiano 31 + 32], 1898-1901; MGH SS 7 p. 73-133; cf. Ludwig Uwe, Die Gedenklisten des Klosters Novalese - Möglichkeiten einer Kritik des Chronicon Novaliciense [Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte 111, 1994, 32-55], p. 40), peut être envisagée (cf. Geary, supra n. 4, p. 34-35), même si Abbo n'est qualifié que de fondateur du monastère dans les diplômes de Carloman de 770 et de Charlemagne de 773 (MGH DK I n° 52 p. 72-74, n° 74 p. 106-108) ainsi que dans le privilège du pape Jean XIII du 21 avril 972 (Zimmermann Harald, Papstregesten II/5 911-1024, 1998, n° 495 p. 153), alors qu’il est dit patricius dans le privilège n° 490 (Zimmermann,  p. 151) et dans celui du pape Benoît VIII de février 1014 (Zimmermann, n° 1134 p. 339).
[16] Relatum aussi appelé appennis, acte destiné à remplacer des titres détruits ou volés (cf. Brunterc'h, supra n. 1, p. 185 n. 16; Niermeyer J. F., Mediae latinitatis lexicon minus, Leiden, 1993, p. 51-52, 757; Tessier Georges, Diplomatique royale française, Paris, 1962 , p. 68-70).
[17] Probablement dans la dernière décennie du VIIe ou dans les premières années du VIIIe siècle (cf. Ebling Horst, Prosopographie der Amtsträger des Merowingerreiches von Chlothar II. [613] bis Karl Martell [741] [Beihefte der Francia 2], 1974, p. 57-58 n° XL; Geary, supra n. 1, p. 388).
[18] Brunterc'h, supra n. 1, p. 178, pense que sa fonction n'est pas celle habituelle d'un représentant de l'évêque ou de l'abbaye chargé d'administrer leur temporel - comme le pensent Geary, supra n. 1, p. 388, Ganshof, supra n. 1, p. 61 et n. 2 et Buchner, supra n. 14, p. 100 n. 60 -, mais celle d'un représentant du patrice de Provence. 
[19] D'après le texte de la notice, Abbo pourrait être mort vers 751, puisque la charte rapporte qu'une personne non nommée voulut prouver en faveur de son senior et de Charlemagne la prescription acquisitive de Chaudol par trente ans de possession en temps de paix (cf. Geary, supra n. 1, p. 389; du même, Aristocraty, supra n. 4, p. 34 et n. 89; Ganshof, supra n. 1, p. 62 n. 1).
[20] Ce monastère est alors sans doute dirigé par l'évêque de Marseille (cf. AA. SS. Oct., t. X, p. 365).
[21] ou poleticum: polyptique. Cf. Brunterc'h, supra n. 1, p. 186 n. 24 qui expose les deux interprétations actuelles de la descriptio: l'interprétation classique, l'inventaire détaillé d'un domaine, ou l'interprétation fiscaliste, l'opération par laquelle on révise ou on établit les registres d'impôts (aussi Niermeyer, supra n. 16, p. 324; Geary, supra n. 1, p. 388).

22 mai 2011